Le Golfe des Pictons
Il tire son appellation des occupants de ce territoire : les Pictaves ou pictons furent nommés ainsi car ils se peignaient le corps comme les Pictes écossais 500 ans avant J.C.
A l’emplacement du Marais Poitevin actuel, la mer constituait autrefois le golfe des Pictons.
Vaste anse marine parsemée d’îlots calcaires, ce golfe s’est envasé progressivement par des dépôts d’alluvions et de sédiments déposés par les courants marins et les rivières qui s’écoulent des plaines et des collines des bassins versants.
L’ancien golfe marin laisse alors progressivement place à un immense marécage insalubre et inutilisable. Très tôt les habitants des îlots calcaires, colliberts, puis moines des abbayes vont tenter d’exploiter les pourtours de ces marécages, d’endiguer les parties hautes pour les protéger des crues d’hiver, d’assécher pour cultiver.
Ce n’est qu’au début du XIIIe siècle que les grandes Abbayes de la région vont unir leurs efforts pour réaliser de grands travaux d’assèchement sur l’ensemble de la zone marécageuse.
On recherche alors à assainir les marécages sources de maladies, mais aussi on souhaite gagner des terres cultivables pour nourrir les populations.
Les moines vont donc endiguer pour se protéger d’un éventuel retour de la mer, mais aussi des crues d’hiver. Ils vont creuser des canaux évacuateurs pour favoriser l’écoulement de l’eau en direction de l’océan :
Une digue sera alors construite en front de mer pour se protéger des grandes marées.
Un système de portes sera installé afin d’évacuer à marée basse les eaux qui ruissellent des bassins versants et qui stagnent dans la zone marécageuse. Ces portes se referment sous la pression de l’eau dès la remontée de la marée, empêchant ainsi l’eau salée d’entrer dans le marais.
D’autres digues, à l’intérieur même de la zone marécageuse, vont permettre de protéger de vastes ensembles de parcelles des crues d’hiver. Ces « îlots » endigués seront voués aux cultures de céréales et en particulier du blé, permettant de faire du pain.
En dehors des zones endiguées, l’eau s’écoule en direction de la mer quand celle ci veut bien l’évacuer à marée basse.
Quand en revanche la marée est haute, ou quand la pluviométrie est forte, l’eau s’étend sur les marais très souvent inondés. Cette zone sert alors de tampon dans l’attente de la marée basse, c’est le marais mouillé.
Les travaux des moines vont ainsi permettre la mise en culture et l’exploitation d’une partie des anciens marécages, ce sont les zones endiguées, c’est le marais desséché.
Deux périodes de guerres viendront ruiner tous ces travaux :
La guerre de cent ans et les guerres de religions vont déchirer la France pendant de longues décennies, aucun entretien de ces ouvrages ne sera alors réalisé, les canaux évacuateurs vont se combler peu à peu, les digues vont se rompre, tout le travail réalisé par les moines est alors réduit à néant.
Après les guerres de religions, Henry IV, Roi de France, se souviendra de son passage à Nieul sur l’Autize, à Maillezais ou à Marans « où de cent pas en cent pas il y a des canaux pour aller chercher le bois par bateau ».
Quand il décidera d’assécher les marais de France, il fera appel aux Hollandais, spécialistes en aménagement et nommera Humphrey BRADLEY « Grand maître des digues du Royaume ».
On reprendra alors les travaux des moines en creusant des canaux évacuateurs, en construisant des digues en asséchant parcelle après parcelle …
Le XVIIe verra se redessiner le Marais Desséché presque tel qu’il est aujourd’hui, en revanche, le Marais Mouillé reste très sauvage, isolé par les eaux, c’est un refuge pour les pauvres et les hors la loi, il ressemble alors toujours plus à un marécage qu’au marais d’aujourd’hui.
Au XIXe siècle, va commencer l’assainissement du marais mouillé, des canaux seront creusés, des arbres seront plantés en berge pour les maintenir. On y plantera des frênes qui seront exploités en têtards pour le bois de chauffage, les saules et le vergne serviront pour les outils, l’osier pour les engins de pêche ou la fabrication des paniers… puis la culture du peuplier importé de Virginie ou de Caroline du Nord va se généraliser …
Le Marais mouillé s’organise pour ressembler à celui d’aujourd’hui.
On a ainsi différencié deux paysages :
"le Marais Desséché" protégé des crues d’hiver par des digues, il est principalement exploité en cultures céréalières mais aussi pour l’élevage, c’est un milieu ouvert, constitué de grandes parcelles rectangulaires, ceinturées par des canaux, avec peu de plantation d’arbres en berge.
Le Marais Desséché s’étend sur une superficie de 55 000 ha.
"Le Marais Mouillé" ou la "Venise Verte" est un milieu bocager, boisé, les parcelles sont de formes variables et souvent de petites tailles. Comme il est inondable, il est réservé à l’élevage et aux cultures maraîchères ou aux jardins. C’est là que l’on cultivera les fèves et la mogette du marais. Du fait des fluctuations de niveau d’eau, on a du planter les berges avec des arbres pour les tenir et les renforcer.
Ce Marais Mouillé s’étend sur 35 000 ha.
Restent 5 000 ha d’anciens îlots calcaires. Ils correspondent aujourd’hui, pour la plus grande partie, aux emplacements des villages du Marais Poitevin, construits sur les parties hautes. L’homme a su profiter de ces zones légèrement surélevées pour se protéger des grandes crues ou des risques de rupture des digues.
Certain noms sont évocateurs : « La Porte de l’île », « L’île d’Elle », « Chaillé-les-Marais », « St Hilaire-la-Palud » …