Patrie des penseurs du XVIe qui accueillit François Rabelais. Prix de la ville lumière
Aliénor d'Aquitaine vous guide à travers ses trésors d'architecture. Au recoin d'une petite rue de Fontenay-le-Comte, découvrez parc et anciennes demeures, longez la rivière Vendée comme l'ont fait jadis "les beaux esprits", vous y croiserez peut-être, Georges Simenon, François Viète, ou l'ombre de la fée Mélusine..
Ville d’Art et d’Histoire, Plus Beaux Détours de France
Les origines de Fontenay-le-Comte remontent à la préhistoire.
Le premier village pourrait se situer vers les Horts. C’est celui des Pictons qui construisent des habitations, défrichent et cultivent la plaine, se nourrissent du gibier de la forêt toute proche de Mervent et des poissons du golfe puisque la mer vient jusqu’à Fontenay qui est un port important sur l’océan. Sur les coteaux de St Médard et du Gros Noyer, des tours sont élevées sur lesquelles on fera des feux pour guider les bateaux entrant dans le port !
Peu à peu la mer se retirera et laissera un lit large permettant une navigation importante sur ce qui sera la Vendée.
Sous la domination romaine qui durera 4 siècles, la vie des hommes est agréable : résidences d’hiver intra muros, résidence d’été hors les murs. On utilise la pierre, le marbre, les toits sont recouverts par des tuiles « tige de botte », tuiles moulées sur les cuisses ! Thermes et hôtelleries, riches villas comme celle de Saint Médard révéleront de nombreux trésors : bijoux, verreries, pinceaux, cuillères, flacons à parfum. Les routes sont pavées et carrossables, comme celle du « Chemin Vers » signifiant chemin vers la mer.
La population se regroupe vers le quartier de La Fontaine et le commerce se fait sur ce qui s’appelle aujourd’hui la place Bélliard.
Premier seigneur à Fontenay-le-Comte, Thiverçay se fait construire une villa fortifiée. Il instaure un droit de péage sur Fontenay, bat monnaie et posséde les mines de Melle.
La première église est construite au VIe et le cimetière se situe « au Paradis » dans le faubourg des Loges à l’emplacement de l’Eglise St Jean. Avec les invasions normandes, le port de Fontenay voit les drakkars et la ville est pillée.
En 942 Fontenay est transformé par d’importantes secousses sismiques mettant à sac plusieurs parcelles.
Vestige du château féodal au Parc Baron. Crédit photo : A. Lamoureux.
L’arrivée des Comtes du Poitou marquera le XIe siècle à Fontenay avec le château féodal dont on peut admirer les vestiges au Parc Baron. Stratégiquement bien placé sur la falaise et dominant la rivière, on y entre du côté de la Fontaine des Quatre Tias : pont levis et système de défense puissant en font un objet de convoitise.
Lorsque Aliénor d’Aquitaine, née à Nieul-sur-l’Autise, reine de France et d’Angleterre renonce à ses possessions au profit de son fils Richard Cœur de Lion, le château de Fontenay et les territoires alentours lui doivent obéissance et redevances !
Avec le XIIIe siècle, c’est le règne des Lusignan, l’époque de la Fée Mélusine !
A Fontenay, sur la place du Commerce actuelle furent construites les halles les plus importantes d’Europe de 140 m de long sur 25 m de large soit la place dans sa totalité. Drapiers et orfèvres y avaient leurs étals. Aujourd’hui un côté de la place s’appelle la rue des Drapiers.
Les commerces étaient florissants : draps, herbes, plantes, produits de l’huilerie de Pilorge ou de la Tannerie des Horts. Les armuriers avaient pignon sur rue dans le quartier de la Harpe. Les pèlerins en marche vers Compostelle faisaient leurs achats en même temps qu’ils achetaient de nouvelles montures, les ânes et mules du Poitou. Ces pèlerins se faisaient ainsi ambassadeurs des produits fontenaisiens sur le Nord de l’Espagne. Ils faisaient étape dans une auberge qu’ils baptiseront Fontarabie, du nom d’une ville Pyrénéenne. Malgré une économie florissante, Fontenay avait aussi sa cour des Miracles, située dans l’actuelle impasse des Vauverts.
Saint Louis fera de Fontenay la capitale du Bas Poitou, la transformant en place forte, cernée de remparts. Le Puy Saint Martin et Les Loges devinrent des faubourgs et l’entrée de la ville se fait par le Pont des Sardines ainsi appelé en raison d’une importante poissonnerie située sur les quais du port.
La prospérité sera mise à mal par la guerre de cent ans. Duguesclin reçut Fontenay en récompense pour avoir libéré celle-ci des anglais et en restera le gouverneur pendant trois ans
De ce début du XVe siècle, la rue des Loges conserve encore une très belle façade de maison à colombages, aux poutres sculptées, auvents et étals. Les couvents se multiplient : celui des Jacobins, celui des Cordeliers proche de l’actuel Jardin de la Mairie, les Tiercelettes sur le site de l’Union Chrétienne, celui des Capucins du côté de la rue Belesbat, les Ursulines derrière Notre Dame, les Jésuites, l’ordre de Saint Françoise derrière le Collège Viète, les filles de Notre Dame.
Ancienne rue du vieux Fonteny-le-comte. Crédit photo : A. Lamoureux.
La prospérité reviendra sous Charles VII. Soutenu par Jeanne d’Arc qui recrutait ses armées plusieurs seigneurs du Poitou se rallièrent à sa cause : Arthur de Richemont, Gilles de Retz, Dunois de Mervent, Amaury Seigneur de Velluire.
A nouveau sous dépendance royale, Fontenay retrouve sa splendeur et la Renaissance lui apportera de nouvelles industries : la papeterie de Mérité par exemple. Louis XI érigea Fontenay en Commune avec un Corps de Ville et un maire élu pour un an.
Le XVIe voit un Fontenay en pleine magnificence : la place Bélliard et ses arcades, fenêtres à meneaux, frontons triangulaires, balcons en fer forgé, porches dissymétriques, tel est le décor dans lequel évolue une population aux vêtements chamarrés. L’exemple type du style renaissance italienne est la Fontaine des Quatre Tias avec un arc en anse de panier surmonté d’un fronton triangulaire aux riches décors très renaissance.
Pendant la deuxième moitié du XVIe, Fontenay ne sera pas épargné des conflits religieux. La Maison Millepertuis dans la rue des Loges sera pour un temps le quartier général d’Henri IV !
La Maison Billaud qui date de cette époque, chef d’œuvre d’architecture où raffinement et élégance ne laissent pas imaginer que cette demeure était un édifice fortifié dont les souterrains permettaient de façon astucieuse de rejoindre soit les catholiques côté château féodal, soit de s’échapper en direction des protestants vers la route de La Rochelle !
Le XVIIe, siècle des grands travaux d’assèchement des marais, siècle où Richelieu devient Cardinal et obtient que Fontenay redevienne siège royal.
Fontenay ne perd rien de sa splendeur intellectuelle et des avantages acquis : Présidial et tribunal civil – on dit que le cousinage de Monsieur Brisson avec Madame de Maintenon, petite fille d’Agrippa d’Aubigné, favorisa sans doute les choses.
Détail fontaine des quatres tias. Crédit photo : Mélusine Accueil – M.F. Neau.
N’oublions pas pour autant un aspect moins glorieux de cette fin du XVIIe avec les « dragonnades » où catholiques persuadaient les protestants de se convertir de manière un peu brutale ! Ceci entrainait la fuite des calvinistes qui détenaient de nombreux commerces donc l’effondrement économique. On assistait à l’appauvrissement des plus pauvres alors que les nobles, exempts de taxes, enrichissaient la ville de beaux édifices : ces événements nous sont relatés dans les écrits de Fénelon.
Nous nous acheminons vers la dernière grande et faste période fontenaisienne avec le XVIIIe siècle.
L’église Notre-Dame prend son aspect définitif, sa flèche dominant la ville. De grands aménagements et travaux d’urbanisme sont entrepris par des ingénieurs et par l’Intendant Blossac : démolition de bâtisses insalubres, assainissement de certains quartiers, créations de voies de communications comme la rue de la République, le Pont Neuf, la canalisation de la rivière, la création de la place Viète et la réorganisation du port.
Le Quartier de Cavalerie est construit et le Général Bélliard lui donnera son nom.
QUARTIER BELLIARD…
Un officier de la garnison n’était autre que le Marquis de Sade qui lors de son séjour à Fontenay écrivit « Justine », Fontenay qu’il dut quitter suite à un différent réglé sur le pré, avec le fils d’un notable.
Si le XVIIIe fut siècle des lumières il fut aussi siècle de la Révolution : les mauvaises récoltes provoquant un manque de nourriture, la population affamée provoque émeutes et pillages lourdement sanctionnés. Les cahiers de doléances témoignent d’un mauvais état sanitaire de la ville et on y demande une meilleure répartition des richesses, une plus grande justice.
Au moment de la Constitution Civile du Clergé, les biens du Clergé devant être remis à l’Etat, certains prêtres refusèrent. A Fontenay-le-Comte, les commissaires furent tolérants au départ mais très vite la situation se dégrada et les prêtres réfractaires furent arrêtés et exécutés. En 1792 la République fut proclamée, les biens du clergé confisqués. La mort de Louis XVI votée, une guerre civile éclata en Vendée. Des affrontements entre républicains et « blancs » eurent lieu à Gaillardon, Charzais, Mérité et Grange, suivis d’arrestations.
La Place Viète alors place royale fut rebaptisée place de la révolution et on y pratiqua les exécutions. Tant de sang y fut versé, dit la légende, que tous les ans au printemps un marronnier fleurit avant les autres car ses racines sont encore imprégnées du sang des martyrs… Massacres, délations, révocations, condamnations, exécutions, l’insurrection vendéenne s’éteindra en 1795.
Le XIXe fut fatal à Fontenay-le-Comte. Bien que celui qui deviendra le Général Bélliard, jeune engagé de 21 ans aux côtés de Napoléon, et ayant sauvé ce dernier de la mort au Pont d’Arcole, ait pu espérer, en gage de reconnaissance, garder à Fontenay-le-Comte sa place de Capitale, il n’en fut rien. Napoléon envoya un inspecteur de gendarmerie, le Général Gouvion qui trouvant Fontenay-le-Comte trop excentré décida de mettre le chef lieu à la Roche sur Yon. Fontenay-le-Comte commença à tomber dans l’oubli !!
Eau forte d’Octave de Rochebrune
(l’horloge à Loches).
Crédit photo : Château de Terre-neuve
En contrepartie, ce XIXe vit l’émergence d’artistes comme Octave de Rochebrune, qui habita Terre Neuve où il se consacra à la numismatique, l’archéologie et surtout au travail d’aquafortiste avec son ami Benjamin Fillon.
Le Musée de Fontenay-le-Comte doit beaucoup à ces deux hommes : leurs fouilles archéologiques de la villa gallo-romaine de St Médard mirent à jour des objets inestimables.
Pendant ce temps, le vieux château devint carrière de pierres, le port n’accueillit plus que de petits bateaux. Malgré la révolution industrielle et l’arrivée du chemin de fer, la ligne Quimper-Vintimille oublia Fontenay, une simple jonction se fera entre Niort et Velluire.
Une nouvelle sous-préfecture fut édifiée quai Victor Hugo, ainsi qu’une nouvelle caserne, celle que nous connaissons aujourd’hui, et un édifice curieux : la Tour Rivalland portant des insignes maçonniques, du nom de son constructeur franc-maçon. Cette tour servira aux allemands pour y installer un mirador !
Le Musée Vendéen édifié au XXe est l’œuvre d’Emile Boutin. Il est à l’origine de la Société Vendéenne des Arts, dont le plus célèbre membre fut Jean Chevolleau, grand coloriste, on lui doit le « bleu Chevolleau« .
N’oublions pas les écrivains qui vécurent ou parlèrent de Fontenay : Raymond Queneau officier à la Caserne Duchaffault qui fréquenta les cafés du Commerce et café du Pont Neuf où il écrivit son roman « Un rude hiver ». Il aurait pu y rencontrer Georges Simenon qui résida à Terre Neuve et fréquenta les mêmes cafés y puisant l’inspiration pour ses « Maigret » : « Maigret a peur ».
Pas fontenaisien certes, mais Vouvantais et grand résistant et déporté, Maurice de la Pintière connu pour son talent d’illustrateur : qui peut oublier « La Semaine de Suzette », « Cœurs Vaillants », « Fripounet » et son album sur les camps très émouvant ?
Ceci nous amène à évoquer la période des deux grands conflits mondiaux.
Pour le premier, on ne peut oublier le lourd tribut payé par les fontenaisiens dans la trop célèbre « Tranchée des Baïonnettes » où sont ensevelis de nombreux hommes du 137ème Régiment d’Infanterie.
Lorsque le deuxième conflit mondial éclate, Fontenay-e-Comte accueille des réfugiés de l’est et de la côte atlantique. Les allemands entrent dans Fontenay car pour la Construction du Mur de l’Atlantique, c’est une ville idéalement située, pas trop proche de la mer donc protégée d’un éventuel débarquement. La Kommandantur s’installe à l’Hôtel Fontarabie et la Gestapo rue de la République. La Résistance s’organise sur Fontenay et alentours, au Château des Saulzes à Pissotte au Château de M. de Suyrot à St Michel-le-Cloucq et à l’Hôtel du Chêne Vert à Fontenay. Arrestations et déportations désorganisent les réseaux qui se restructurent pour mettre la pression à l’armée allemande par des sabotages et vols d’armes. La riposte est virulente par une fusillade de maquisards à Mervent rappelée par une stèle à La Cornelière.
A l’image de la France, Fontenay-le-Comte se redressera et ira de l’avant avec l’implantation d’usines dont l’une exceptionnelle, l’usine « étoile » signée de Mathieu.
Le monde évolue mais préservons notre passé, inspirons-nous de l’histoire pour mieux envisager l’avenir et qu’à jamais Fontenay-le-Comte demeure « Source jaillissante des Beaux Esprits ».